Diètes à base de viande crue pour les animaux de compagnie - Énoncé de position

juillet 3, 2018

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) accepte les preuves des risques potentiels pour la santé des animaux de compagnie qui consomment une diète à base de viande crue (DBVC) et pour les humains qui entrent en contact soit avec la DBVC ou les animaux consommant une DBVC. L’ACMV estime que les preuves scientifiques documentées sur les risques potentiels pour la santé animale et la santé publique attribuables à une DBVC l’emportent sur les bienfaits perçus de cette pratique alimentaire.

Sommaire

  • Il existe de nombreuses études évaluées par les pairs documentant les risques pour les animaux, et les humains qui entrent en contact avec eux, découlant des pathogènes, des toxines et des dangers physiques contenus dans les DBVC consommées par les animaux.
  • Même si des données récentes ont montré que ces diètes crues maison peuvent présenter une certaine digestibilité accrue, cette caractéristique n’est pas attribuable seulement à la nature crue de la diète.
  • L’ACMV recommande vivement que les médecins vétérinaires informent les propriétaires qui souhaitent donner une DBVC, des risques potentiels pour les humains et les animaux de compagnie.
  • L’ACMV recommande fortement que les médecins vétérinaires consultent un nutritionniste vétérinaire agréé avant de recommander une diète cuite faite maison qui sera consommée à long terme par l’animal.

Contexte

  1. Les DBVC se composent d’ingrédients crus dérivés d’espèces animales domestiquées ou sauvages et elles sont données à des chiens et à des chats vivant dans des milieux familiaux. Ces diètes peuvent être « préparées maison », « préparées dans le commerce » ou « offertes dans le commerce en utilisant la pasteurisation à haute pression (HPP) » (1).
  2. Les DBVC préparées dans le commerce peuvent être fraîches, congelées ou lyophilisées et vendues commercialement pour les chats et les chiens domestiques. Certaines de ces diètes satisfont aux profils de nutriments des aliments pour chiens ou chats de l’Association of American Feed Control Officials (AAFCO), cependant, d’autres ne possèdent pas cette désignation de l’AAFCO (2-3). Les diètes non désignées par l’AAFCO ne devraient pas être consommées comme des diètes équilibrées primaires. Les DBVC commerciales sont souvent fabriquées dans des installations ou des cuisines industrielles, puis emballées dans de petits formats pour la vente.
  3. Vu que la viande utilisée pour les DBVC n’est pas désignée pour la consommation humaine, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) n’exige pas ou n’applique pas des exigences particulières pour l’inspection des viandes ou les tests microbiens durant la fabrication ou l’entreposage des aliments. Les aliments pour animaux de compagnie sont seulement réglementés par l’ACIA s’ils sont importés au Canada (4).
  4. Il semble qu’il est plus probable que les propriétaires donnant des DBVC à leurs animaux se fient à des conseils informels, notamment ceux obtenus dans l’Internet, et moins à ceux prodigués par leur médecin vétérinaire (5).
  5. Il existe de nombreuses études évaluées par les pairs documentant les risques potentiels pour les animaux de compagnie et les humains qui entrent en contact avec les animaux en raison des pathogènes, des substances inhibitrices et/ou des dangers physiques présents dans les diètes à base de viande crue (6,7). Les situations suivantes ont été signalées lors de la consommation de DBVC par les animaux de compagnie (8-26).
    a) la fracture de dents, la constipation, la perforation du tube digestif ;
    b) l’exposition à des substances inhibitrices comme celles trouvées dans le poisson cru (qui contient de la thiaminase qui métabolise la thiamine et peut causer une carence en thiamine) et dans les œufs crus qui contiennent de l’avidine qui se lie à la biotine et cause ensuite une carence en biotine, etc. ;
    c) l’excrétion de bactéries pathogènes dans les fèces (qui peuvent aussi être transmis par le léchage) qui pourrait entraîner des infections zoonotiques importantes chez les humains. Les pathogènes préoccupants incluent notamment : Escherichia coli, Salmonella, Campylobacter et Brucella;
    d) un risque accru d’infection humaine chez les patients d’hôpitaux ou de centre d’hébergement et de soins de longue durée qui participent aux visites d’animaux de compagnie ;
    e) un risque accru d’infection chez les membres de la famille qui sont immunodéficients ;
    f) un risque accru d’infection chez les très jeunes enfants en raison de l’exposition aux DBVC, aux bols de nourriture ainsi qu’aux fèces des animaux de compagnie qui consomment des diètes à base de viande crue ;
    g) un risque accru d’infection pour les animaux âgés, les chiots et chatons et les animaux recevant des médicaments immunodépresseurs ;
    h) un risque accru d’infection pour les animaux hospitalisés lorsqu’ils sont logés dans le même chenil ou en étroite proximité à d’autres animaux de compagnie ;
    i) les bactéries pathogènes dans les aliments crus et les fèces des animaux qui consomment des aliments crus présentent des tendances accrues d’antibiorésistance ;
    j) des risques importants pour la santé des chiots en croissance et des chiens adultes découlant de déficiences nutritionnelles potentielles.
  6. Même si des données récentes ont montré que les diètes maison peuvent présenter une certaine digestibilité accrue, cette caractéristique n’est pas particulière à la nature crue de la diète. La digestibilité semble varier grandement selon la diète crue et la façon dont elle est transformée (par exemple, la viande hachée est plus digestible que la proie entière) (27). La digestibilité des DBVC est semblable à celle des diètes cuites. Dans le cas des diètes cuites, la contamination microbienne serait réduite ou éliminée (28).
  7. L’ACMV recommande vivement que les médecins vétérinaires informent les propriétaires qui souhaitent donner une DBVC à leurs animaux, des risques potentiels pour eux-mêmes et leurs animaux de compagnie en raison de cette alimentation. Cette conversation devrait être documentée dans le dossier médical.
  8. L’ACMV recommande fortement, dans le cas des diètes cuites préparées à la maison qui ont été recommandées par le médecin vétérinaire, que le médecin vétérinaire et le propriétaire consultent un nutritionniste vétérinaire agréé afin de déterminer si le propriétaire utilise une recette sûre et équilibrée sur le plan nutritionnel. L’ACMV informe les médecins vétérinaires qui choisissent de recommander ou de vendre des DBVC pour des animaux confiés à leurs soins qu’ils devraient être conscients des problèmes potentiels liés à la responsabilité si un animal de compagnie ou un humain contracte une maladie en raison des pathogènes provenant des DBVC.
  9. L’ACMV avise les médecins vétérinaires qui recommandent des DBVC qu’ils devraient communiquer aux propriétaires d’animaux les risques connexes et les sensibiliser à l’égard des façons dont ils peuvent atténuer le risque potentiel d’exposition aux pathogènes provenant de la manipulation de ces produits et/ou de la gestion des animaux consommant ces diètes.
  10. L’ACMV encourage les propriétaires qui choisissent de ne pas donner des diètes commerciales à leurs animaux (crues ou cuites) à solliciter les conseils d’un nutritionniste vétérinaire agréé concernant la préparation de diètes maison équilibrées sur le plan nutritionnel. Des renseignements rédigés par de tels experts en nutrition sont généralement disponibles en ligne.
  11. L’ACMV encourage les autorités fédérales à mettre en place un système d’inspection afin de mitiger les risques de maladies transmissibles pour les humains présents dans les diètes à base de viande crue pour les animaux dans l’intérêt de la santé publique.

Références

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  2. DILLITZER, N., N. BECKER et E. KIENZLE. « Intake of minerals, trace elements, and vitamins in bone and raw food rations fed in adult dogs », Brit J of Nut, 2011, vol. 106, p. S53-S56. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22005436 Dernière consultation le 3 octobre 2017.
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  4. Politiques de l’ACIA pour l’importation des aliments pour animaux de compagnie. Disponible au : http://www.inspection.gc.ca/animaux/animaux-terrestres/importation/politiques/produits-et-sous-produits/aliments-pour-animaux-de-compagnie/fra/1321129023397/1321129556426 Dernière consultation le 3 octobre 2017.
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  8. FAUTH, E., L.M. FREEMAN, L. CORNJEO, J.E. MARKOVICH, N. JANECKO et J.S. WEESE. « Salmonella bacteriuria in a cat fed a Salmonella-contaminated diet », J Am Vet Med Assoc, 2015, vol. 247, p. 525-530. Doi : 10.2460/javma.247.5.525. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26295559 Dernière consultation le 3 octobre 2017.
  9. NEMSER, S.M., T. DORAN, M. GRABENSTEIN, T. MCCONNELL, T. MCGRATH, R. PAMBOUKIAN, A.C. SMITH, M. ACHEN, G. DANZEISEN, S. KIM, Y. LIU, S. ROBESON, G. ROSARIO, K. MCWILLIAMS WILSON et R. REIMSCHUESSEL. « Investigation of Listeria, Salmonella, and toxigenic Escherichia coli in various pet foods », Foodborne Pathog Dis, 2014, vol. 11, p. 706-709. Doi : 10.1089/fpd.2014.1748. Epub 13 mai 2014. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24824368 Dernière consultation le 3 octobre 2017.
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((Adopté en juillet 2018))