Gestion des cornes des petits ruminants

mai 8, 2023

Les énoncés de position élaborés par l’ACMV ne sont pas législatifs. Ils reflètent les meilleures pratiques de régie actuelles pour favoriser le bien-être des animaux.

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) reconnaît que dans de nombreuses situations, la gestion des cornes (retrait des bourgeons ou des cornes) chez les petits ruminants est souhaitable pour des raisons de protection des humains et des animaux. L’ACMV est d’avis que les médecins vétérinaires devraient aider les propriétaires ou gardiens d’animaux responsables et adéquatement formés à élaborer des protocoles de gestion des cornes adaptés à leur troupeau. Si le retrait des cornes est jugé nécessaire, il devrait être effectué avant la fixation de la corne à l’os sous-jacent (ébourgeonnage entre 3 et 9 jours d’âge). Le retrait des cornes des petits ruminants après cet âge (écornage) ne devrait être réalisé que pour des raisons médicales, et exclusivement par des médecins vétérinaires.

Sommaire

  • L’indication de procéder à l’ébourgeonnage ou à l’écornage chez les petits ruminants dépend en partie de leurs conditions de logement et de leur utilisation.
  • Lorsque l’ébourgeonnage est indiqué, le meilleur moment pour procéder à l’intervention d’une façon qui nuit le moins possible au bien-être des animaux est après l’établissement du lien avec la mère et avant la fixation de la corne à l’os, soit entre 3 et 9 jours d’âge.
  • Les petits ruminants devant subir l’ébourgeonnage ou l’écornage, peu importe la méthode, devraient toujours faire l’objet d’une analgésie périopératoire.
  • Les protocoles, y compris ceux décrivant les indications du retrait des cornes, la prise en charge de la douleur, la sédation ou l’anesthésie, et les interventions d’ébourgeonnage des petits ruminants, devraient être élaborés et passés en revue avec le médecin vétérinaire du troupeau.
  • Il y a un manque et un besoin de produits homologués pour les petits ruminants.
  • L’écornage des petits ruminants matures ne devrait être effectué que par un médecin vétérinaire, et seulement lorsque l’intervention est médicalement nécessaire. L’intervention comporte de nombreux risques associés à la chirurgie et plusieurs considérations relatives à la médication, et il faut en informer le client avant de procéder.
  • La cryochirurgie, la pâte caustique et l’huile de clou de girofle ne devraient pas être utilisées.
  • Tout saignement important associé à l’écornage doit être maîtrisé (veuillez consulter l’énoncé de position de l’ACMV sur les interventions chirurgicales).

Contexte

  1. Chez les petits ruminants, l’indication de procéder à l’ébourgeonnage ou à l’écornage est situationnelle et dépend de facteurs tels que la densité de population et les risques que les animaux restent coincés en raison de leurs cornes (durant la traite, par exemple), ainsi que de la race et de l’utilisation des animaux. Les petits ruminants élevés pour la viande et la laine sont beaucoup moins susceptibles d’être ébourgeonnés que les petits ruminants laitiers. Les décisions concernant la gestion des cornes pour un troupeau donné devraient être prises en consultation avec le médecin vétérinaire du troupeau.
  2. Les cornes sont d’abord des bourgeons d’épithélium germinatif qu’on peut palper sur l’aspect dorsofrontal du crâne dès l’âge de quelques jours. Ces bourgeons s’attachent à l’os recouvrant le sinus frontal dès les premiers jours de la vie, selon les races. Un diverticule du sinus frontal s’étend jusqu’à l’intérieur de la base des cornes à mesure que les cornes poussent.
  3. Les bourgeons de corne et les cornes elles-mêmes sont entièrement innervés et reçoivent un bon approvisionnement en sang. L’ébourgeonnage consiste à détruire le bourgeon de la corne sans causer de dommages osseux. L’écornage implique le retrait de corne, avec l’épithélium germinatif à partir duquel la corne se développe ; la plupart du temps, le sinus frontal est ouvert lors de cette intervention. L’écornage est une intervention plus invasive et plus douloureuse que l’ébourgeonnage. Les dommages faits aux tissus lors de l’ébourgeonnage ou de l’écornage provoquent des changements physiologiques et comportementaux qui démontrent de la douleur et de la détresse (1).
  4. L’absence de cornes chez les chèvres est génétiquement liée à l’intersexualité et, par conséquent, la reproduction visant à sélectionner les animaux exempts de cornes n’est pas possible chez cette espèce à l’heure actuelle (2). Lorsque la gestion des cornes est indiquée, l’ébourgeonnage est l’intervention de prédilection (3), car l’ébourgeonnage provoque moins de douleur et de détresse que l’écornage et réduit le risque de sinusite, de saignement et d’infection (4).
  5. Les médecins vétérinaires devraient renseigner les propriétaires et gardiens d’animaux responsables et discuter avec eux pour élaborer des protocoles de gestion des cornes spécifiques aux troupeaux, qui décrivent notamment les indications des interventions, les techniques acceptables et les médicaments indiqués pour réduire la douleur et le stress. Comme la gestion des cornes implique une intervention chirurgicale, les dispositions de l’énoncé de position de l’ACMV sur les interventions chirurgicales effectuées sur les animaux (5) sont applicables.
  6. L’ébourgeonnage au fer chaud chez les chevreaux peut endommager les tissus profonds, y compris le crâne et le cerveau (4), par l’application prolongée ou excessive de chaleur et de pression. Il s’agit néanmoins de la méthode la plus efficace et la plus fiable chez les petits ruminants pour l’ébourgeonnage (6). Les méthodes qui ne devraient pas être utilisées comprennent la cryochirurgie, la pâte caustique et l’huile de clou de girofle en raison du risque accru de formation de rudiments de cornes à croissance anormale et de la douleur infligée plus importante qu’avec l’utilisation du fer chaud (6). Les rudiments de cornes peuvent facilement être endommagés ou blessés, ce qui peut mener à de la douleur chronique et à des infections.
  7. L’ébourgeonnage devrait être effectué après l’établissement du lien maternel, mais avant la fixation des bourgeons au crâne, soit entre 3 et 9 jours d’âge environ, pour réduire les risques d’une intervention mal effectuée, pour prévenir la formation de rudiments de cornes et pour éviter la douleur excessive associée à la nécessité d’appliquer le fer chaud plus longtemps que nécessaire. Le retrait du cornillon aidera à prévenir la formation de rudiments de cornes.
  8. Les petits ruminants doivent recevoir une analgésie périopératoire lors d’interventions de gestion des cornes. La sédation ou l’anesthésie générale pourrait également être recommandée par le médecin vétérinaire dans le protocole de gestion des cornes du troupeau (7). Chez les petits ruminants, l’anesthésie locale seule est déconseillée, car elle pourrait ne pas fournir suffisamment d’analgésie en raison de la douleur et du stress associés à l’intervention et parce qu’il est difficile de bloquer adéquatement l’innervation des bourgeons ou des cornes chez ces espèces (7). Compte tenu de la sensibilité des petits ruminants aux médicaments, il faut aussi prendre soin de bien calculer et mesurer les doses d’anesthésiques locaux et de sédatifs pour les interventions de gestion des cornes chez ces animaux. Dans les grandes exploitations agricoles, l’anesthésie générale effectuée par un médecin vétérinaire peut être une option.
  9. L’ACMV recommande fortement que le médecin vétérinaire du troupeau soit consulté à l’avance dans le cadre d’une relation vétérinaire-client-patient (RVCP) valide conformément aux exigences réglementaires provinciales lorsque l’ébourgeonnage est effectué par une personne qui n’est pas vétérinaire (le producteur, par exemple). Des médicaments à utiliser pour la sédation des chevreaux nouveau-nés peuvent être remis sur ordonnance du médecin vétérinaire du troupeau aux propriétaires ou aux gardiens des animaux, en précisant qu’aucun des médicaments actuellement disponibles pour l’analgésie, la sédation et l’anesthésie générale n’est homologué chez les petits ruminants et que tous ces médicaments ne peuvent être obtenus que sur ordonnance d’un médecin vétérinaire dans le cadre d’une RVCP valide. Il y a un besoin pour des produits appropriés homologués pour l’utilisation chez les petits ruminants.
  10. L’écornage des petits ruminants matures est une intervention très douloureuse qui peut avoir des complications postopératoires. Cette intervention ne devrait être réalisée que par un médecin vétérinaire qualifié et à l’aise de la pratiquer, et seulement lorsqu’elle est médicalement nécessaire. Elle comporte de nombreux risques associés à la chirurgie et plusieurs considérations relatives à la médication, et il faut en informer le client avant de procéder. Dans certaines situations, les cornes peuvent être raccourcies au lieu d’être retirées.

Références

  1. Baker JS. Dehorning small ruminants. Bovine Practice 1981;2(1):33-34,36-39.
  2. Pailhoux E, Vigier B, Vaiman D, Servel N, Chaffaux S, Cribiu EP, Cotinot C. Otnotgenesis of female to male sex-reversal in XX polled small ruminants. Developmental Dynamics 2002, 26 mars https://anatomypubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/dvdy.10083.
  3. Alvarez L, Adcock SJJ, Tucker CB. Sensitivity and wound healing after hot iron disbudding in goat kids. J Dairy Sci 2018;102:10152-10162 https://www.journalofdairyscience.org/article/S0022-0302(19)30741-6/fulltext.
  4. Hempstead MN, Shearer JK, Sutherland MA, Fowler JL, Smith JS, Smith JD, Lindquist TM, Plummer PJ. Cautery Disbudding Iron Application Time and Brain Injury in Goat Kids: A Pilot Study. Front Vet Sci, 18 janvier 2021 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.568750/full.
  5. ACMV. Interventions chirurgicales effectuées sur les animaux – Énoncé de position https://www.veterinairesaucanada.net/politiques-et-rayonnement/enonces-de-position/enonces/interventions-chirurgicales-effectuees-sur-les-animaux-enonce-de-position/.
  6. Brooks KMS, Hempstead MN, Anderson JL, Parsons RL, Sutherland MA, Plummer PJ, Millman ST. Characterization of Efficacy and Animal Safety across Four Caprine Disbudding Methodologies. Animals 2021;11(2):430 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7915256/.
  7. Hempstead MN, Lindquist TM, Shearer JK, Shearer LC, Sutherland MA, Plummer PJ. Acute cortisol and behaviour of dairy goat kids administered local anesthesia, topical anesthesia or systemic analgesia prior to cautery disbudding. Physiology and Behaviour, volume 222, 1er août 2020 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0031938420302560?via%3Dihub.