L’intelligence artificielle en médecine vétérinaire

octobre 12, 2023

L’intelligence artificielle et ses applications en médecine vétérinaire continueront d’évoluer au-delà de la date de publication du présent énoncé de position. À l’heure actuelle (2023), il y a un certain nombre d’avantages présumés à l’utilisation d’outils et de services ayant recours à l’intelligence artificielle, mais les lecteurs doivent être conscients que ces avantages présumés ne sont pas toujours étayés par des preuves solides. L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) conseille aux lecteurs de communiquer avec l’organisme de réglementation de leur province ou territoire pour obtenir de l’information à jour sur les normes et les politiques pertinentes concernant l’usage des technologies liées à l’intelligence artificielle dans leur province ou territoire.

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) reconnaît que des outils et des services ayant recours à la technologie de l’intelligence artificielle (IA) sont utilisés par les professionnels vétérinaires dans le but d’aider leurs clients et leurs patients. L’ACMV estime que la rigueur scientifique devrait être observée dans le développement de la technologie de l’IA afin de limiter les risques pour les patients et la responsabilité des médecins vétérinaires. Les outils et services utilisant la technologie de l’IA devraient être conçus, évalués et testés dans un cadre politique national efficace et selon des normes reconnues qui tiennent compte des risques. Ils devraient toujours être offerts aux professionnels vétérinaires conformément aux politiques de l’organisme de réglementation vétérinaire provincial ou territorial concerné.

Sommaire

  • L’intelligence artificielle (IA) est une branche de l’informatique dans laquelle les systèmes informatiques sont conçus pour effectuer des tâches d’une façon qui imite l’intelligence humaine.
  • À l’heure actuelle (2023), les applications de l’IA se développent rapidement en médecine vétérinaire, avec un large éventail d’applications, dont beaucoup sont utilisées en médecine humaine.
  • Malgré les avantages présumés bien décrits de l’IA, certains risques associés à l’utilisation de l’IA en médecine vétérinaire devraient être pris en compte.
  • Il y a actuellement un manque de surveillance réglementaire au Canada en ce qui a trait aux analyses diagnostiques vétérinaires, ce qui signifie que des appareils ou systèmes de diagnostic utilisant l’IA peuvent être mis sur le marché avec peu ou pas de preuves à l’appui.
  • Les professionnels vétérinaires doivent être conscients que l’absence de surveillance réglementaire structurée pourrait engager leur responsabilité en cas d’erreurs résultant de l’utilisation de systèmes ayant recours à l’IA.
  • Les professionnels vétérinaires doivent être conscients que les plateformes vétérinaires basées sur des systèmes conçus pour les humains ne sont pas toujours transposables aux animaux.
  • L’ACMV encourage les organismes de réglementation à élaborer des politiques et des normes concernant l’usage des applications de l’IA utilisées en médecine vétérinaire afin de limiter les risques pour les professionnels vétérinaires, leurs clients et leurs patients en mettant l’accent sur la fiabilité et la transparence des applications et le recours à de bonnes pratiques d’apprentissage automatique.

Contexte

  1. L’intelligence artificielle (IA) est une branche de l’informatique dans laquelle les systèmes informatiques sont conçus pour effectuer des tâches d’une façon qui imite l’intelligence humaine. L’IA est un terme générique large qui englobe une variété de sous-domaines et de techniques, y compris l’apprentissage automatique, l’apprentissage profond, le traitement du langage naturel, la pathomique et la radiomique (1,2).
  2. L’IA générative (dont les robots conversationnels sont un exemple) joue un rôle de plus en plus important dans de nombreuses applications médicales et non médicales. Le développement et l’amélioration rapides des modèles d’IA générative démontrent le rôle potentiel de l’IA dans le développement de données d’apprentissage pour l’utilisation en médecine vétérinaire ainsi que pour créer des images générées, y compris des applications avec la vision par ordinateur et la radiomique (3).
  3. En médecine humaine, l’IA est utilisée pour l’interprétation d’images médicales en radiologie, en pathologie, en ophtalmologie et en gastro-entérologie, ainsi que pour des applications avancées dans la détection d’objets cliniques pendant la chirurgie et le développement de biomarqueurs pour le dépistage de maladies (4).
  4. À l’heure actuelle (2023), un vaste éventail d’applications de l’IA sont employées en en médecine vétérinaire. Voici quelques-unes des façons dont l’IA est utilisée par les professionnels vétérinaires dans le but d’aider leurs clients et leurs patients :
    • Pour analyser de grands ensembles de données (dossiers médicaux, données de laboratoire, images médicales, échantillons soumis en pathologie, etc.) à l’aide d’algorithmes informatiques afin d’aider à établir ou à améliorer le diagnostic, la prédiction du pronostic, le traitement et les résultats pour les patients, et pour simplifier les tâches administratives (2,4).
    • Imagerie diagnostique : Pour analyser rapidement les images médicales, telles que les radiographies et les échographies, ainsi que pour aider à diagnostiquer les affections et à orienter les décisions de traitement (5).
    • Pathologie, hématologie et parasitologie : Pour fournir des analyses automatisées des cellules sanguines, du sédiment urinaire et des selles dans le but d’accroître l’efficacité et la précision.
    • Aide aux décisions cliniques : Pour fournir un soutien en temps réel aux praticiens sous forme de diagnostic précoce, d’algorithmes de diagnostic, de diagnostics différentiels, de recommandations de traitement et de posologies des médicaments (6).
    • Détection et surveillance des maladies : Pour détecter rapidement et suivre l’évolution des foyers de maladies dans les populations animales, afin de permettre une intervention et une maîtrise précoces (7,8,9).
    • Surveillance automatisée du bétail : Pour surveiller la santé et le comportement du bétail et détecter les signes avant-coureurs de maladie ou de détresse afin de permettre une intervention immédiate, et pour analyser des données de production (gain/perte de poids, consommation d’aliments, volumes de production faibles, etc.) et les dossiers de santé électroniques (10,11).
    • Modélisation prédictive : Pour aider au développement de médicaments (4,11) (plateformes de simulation, par exemple) et pour modéliser la propagation des maladies dans les populations animales, ce qui permet d’avoir une meilleure compréhension de la transmission des maladies et de mettre en œuvre des stratégies de contrôle plus efficaces (10,11).
    • Résistance aux antimicrobiens : Pour aider à identifier et à suivre l’émergence et la propagation des bactéries résistantes aux antimicrobiens (12).
  5. Malgré les avantages présumés bien décrits de l’IA, certains risques associés à son utilisation en médecine vétérinaire doivent être pris en compte, y compris les suivants :
    • Biais dans les ensembles de données et sélection des algorithmes : Les algorithmes d’IA peuvent refléter les biais dans les ensembles de données qui ont servi à leur apprentissage, et ainsi entraîner des erreurs de diagnostic ou des recommandations de traitement incorrectes.
    • Manque de transparence : Les processus décisionnels des systèmes d’IA peuvent être opaques, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de comprendre comment ils sont arrivés à leurs conclusions.
    • Résultats inexacts : Dans la plupart des cas, les systèmes d’IA n’ont pas été évalués de manière formelle et indépendante. Étant donné que les résultats de ces systèmes dépendent des données avec lesquelles ils ont été formés, les erreurs dans les données d’apprentissage peuvent mener à des interprétations inexactes en contexte clinique.
    • Dépendance à la technologie : S’appuyer fortement sur l’IA pour les diagnostics et les traitements peut éroder la pensée critique et les compétences en résolution de problèmes des professionnels vétérinaires.
    • Préoccupations éthiques : L’IA a le potentiel de créer des dilemmes éthiques en remplaçant les décisions prises par des humains par des processus automatisés (13).
  6. L’IA utilisée en médecine humaine est actuellement (2023) considérée comme un « logiciel en tant qu’instrument médical » et est soumise à l’approbation de la FDA aux États-Unis et de Santé Canada au Canada. Comme l’IA en médecine humaine est surtout utilisée par les spécialistes, certains organismes professionnels comme l’Association canadienne des radiologistes ont publié des rapports (14) et des énoncés de position sur l’IA. Cette surveillance procure un encadrement et des conseils à la profession médicale et assure la sécurité des patients avant l’adoption ou la commercialisation rapide de cette technologie.
  7. Il y a actuellement un manque de surveillance réglementaire au Canada en ce qui a trait aux analyses diagnostiques vétérinaires, ce qui signifie que des appareils ou systèmes de diagnostic utilisant l’IA peuvent être mis sur le marché avec peu ou pas de preuves à l’appui (15).
  8. Bien que le Canada ait élaboré une stratégie nationale en matière d’IA en 2017, il n’y a toujours pas d’évaluations de la conformité et de normes internationales établies (15).
  9. À titre d’exemple, divers établissements vétérinaires du Canada utilisent des systèmes de diagnostic assistés par ordinateur pour interpréter les radiographies. Bien que ces systèmes soient disponibles sur le marché, il y a peu ou pas d’information disponible en libre accès pour renseigner les professionnels vétérinaires sur les sources de données et les algorithmes utilisés.
  10. Les professionnels vétérinaires doivent être conscients que l’absence de surveillance réglementaire structurée pourrait engager leur responsabilité en cas d’erreurs résultant de l’utilisation de systèmes ayant recours à l’IA.
  11. Les professionnels vétérinaires doivent être conscients que les plateformes vétérinaires basées sur des systèmes conçus pour les humains ne sont pas toujours transposables aux animaux.
  12. L’ACMV soutient que l’IA a le potentiel d’améliorer la qualité des soins aux animaux, d’améliorer l’efficacité de la prestation des services vétérinaires et d’accroître notre compréhension des mécanismes sous-jacents des maladies animales. Cependant, il est important de veiller à ce que l’IA soit utilisée de manière responsable et éthique, et que ses avantages soient soupesés avec les risques de biais et d’erreurs de diagnostic, le bien-être des animaux et la protection de la vie privée (14).
  13. L’ACMV encourage les organismes de réglementation à élaborer des politiques et des normes concernant l’usage des applications de l’IA utilisées en médecine vétérinaire pour limiter les risques pour les professionnels vétérinaires, leurs clients et leurs patients, et pour promouvoir le recours à de bonnes pratiques d’apprentissage automatique (16,17).
  14. Les professionnels vétérinaires devraient se référer aux politiques existantes ou nouvelles en vigueur dans leur province ou territoire concernant les systèmes d’IA et leurs applications en pratique. Une liste des organismes de réglementation vétérinaire du Canada peut être consultée sur le site Web de l’ACMV (18).

Références

  1. American Veterinary Medical Association. 2020. Artificial intelligence & veterinary medicine (https://www.avma.org/javma-news/2020-07-15/artificial-intelligence-veterinary-medicine).
  2. Appleby RB, Basran PS. Artificial intelligence in veterinary medicine. J Am Vet Med Assoc 2022 Mar 30;260(8):819-824 (https://avmajournals.avma.org/view/journals/javma/260/8/javma.22.03.0093.xml).
  3. Sorin V, Barash Y, Konen E, Klang E. Creating Artificial Images for Radiology Applications Using Generative Adversarial Networks (GANs) - A Systematic Review. Acad Radiol 2020 Aug;27(8):1175-1185 (DOI : 1016/j.acra.2019.12.024).
  4. Rajpurkar P, Chen E, Banerjee O, et al. AI in health and medicine. Nat Med 2002;28:31-38 (https://doi.org/10.1038/s41591-021-01614-0).
  5. Hennessey E, DiFazio M, Hennessey R, Cassel N. Artificial intelligence in veterinary diagnostic imaging: A literature review. Vet Radiol Ultrasound 2022;63 (Suppl 1):851-870 (DOI : 1111/vru.13163).
  6. Giordano C. Accessing Artificial Intelligence for Clinical Decision-Making. Frontiers in Digital Health 2021;3 (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fdgth.2021.645232; DOI : 10.3389/fdgth.2021.645232).
  7. Ezanno P, Picault S, Beaunée G, et al. Research perspectives on animal health in the era of artificial intelligence. Vet Res 2021;52:40 (https://doi.org/10.1186/s13567-021-00902-4).
  8. Guitian J, Arnold M, Chang Y, Snary EL. Applications of machine learning in animal and veterinary public health surveillance. Rev Sci Tech 2023;42:230-241(DOI : 20506/rst.42.3366).
  9. Reagan KL, Deng S, Sheng J, et al. Use of machine-learning algorithms to aid in the early detection of leptospirosis in dogs. Journal of Veterinary Diagnostic Investigation 2022;34(4):612-621 (DOI : 1177/10406387221096781).
  10. Jun Bao, Qiuju Xie. Artificial intelligence in animal farming: A systematic literature review. Journal of Cleaner Production 2022;331:129956 (https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2021.129956; ISSN 0959-6526).
  11. Bender A, Cortés-Ciriano I. Artificial intelligence in drug discovery: what is realistic, what are illusions? Part 1: Ways to make an impact, and why we are not there yet. Drug Discovery Today 2021;26(2):511-524 (https://doi.org/10.1016/j.drudis.2020.12.009; ISSN 1359-6446).
  12. Rabaan AA, et al. Application of Artificial Intelligence in Combating High Antimicrobial Resistance Rates. Antibiotics 2022;11(6):784 (DOI : 3390/antibiotics11060784).
  13. Cohen EB, Gordon EC. First, do no harm. Ethical and legal issues of artificial intelligence and machine learning in veterinary radiology and radiation oncology. Veterinary Radiology and Ultrasound. Première publication : 13 décembre 2022 (https://doi.org/10.1111/vru.13171).
  14. Tang A, Tam R, Cadrin-Chênevert A, et al. Canadian Association of Radiologists White Paper on Artificial Intelligence in Radiology. Canadian Association of Radiologists Journal 2018;69(2):120-135 (DOI : 1016/j.carj.2018.02.002).
  15. Standards Council of Canada. 2023. Discerning signal from noise: The state of global AI standardization and what it means for Canada (https://www.scc.ca/en/system/files/publications/SRI_DiscerningSignalFromNoise_English_v2.pdf).
  16. American College of Veterinary Radiology. Artificial Intelligence (https://acvr.org/artificial-intelligence-in-veterinary-diagnostic-imaging-and-radiation-oncology/).
  17. USFDA, Santé Canada. 2021. Good Machine Learning Practice for Medical Device Development: Guiding Principles (https://www.fda.gov/media/153486/download).
  18. ACMV. Organismes de réglementation vétérinaire du Canada (https://www.veterinairesaucanada.net/ressources-publiques/organismes-de-reglementation-veterinaire-du-canada/).