LE MOT DU PRÉSIDENT : L’ACMV et la consolidation en médecine vétérinaire
12 mai, 2025
L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) a-t-elle un rôle à jouer en ce qui concerne la consolidation en médecine vétérinaire?
En janvier, la Canadian Broadcasting Company (CBC) a diffusé deux reportages informant le public que certains membres de la profession étaient préoccupés par les décisions de gestion prises par la direction des regroupements vétérinaires pour lesquels ils travaillent, laissant entendre que les médecins vétérinaires étaient désormais motivés davantage par le profit que par le bien-être des patients.
Une question éthique publiée récemment dans La Revue vétérinaire canadienne supposait que les regroupements vétérinaires étaient la cause première de la diminution de la concurrence et de la hausse des prix. Elle indiquait aussi que les vétérinaires employés par de tels groupes ou conglomérats étaient soumis à des pressions pour générer plus de revenus afin de satisfaire les exigences des actionnaires, et qu’ils étaient contraints de faire passer les besoins des actionnaires avant les besoins de leurs clients.
Étant donné que l’ACMV est la voix nationale des vétérinaires et qu’elle s’est donné pour mission de soutenir ses membres, comment devrait-elle se positionner, le cas échéant, par rapport à la consolidation en médecine vétérinaire? Joue-t-elle un rôle différent lorsqu’elle s’adresse au public et lorsqu’elle s’adresse à ses membres? La montée des regroupements reflète-t-elle simplement l’évolution naturelle de la profession, comme c’est le cas en médecine dentaire et en pharmacie, ou faudrait-il s’impliquer plus activement pour façonner notre avenir? L’intervention de l’ACMV est-elle limitée par le fait qu’elle n’est pas un organisme de réglementation?
Je commencerai par préciser que ce qui suit est le fruit de mes réflexions et non le reflet de la position de l’ACMV en tant qu’association. J’espère lancer une discussion ouverte et informée sur ce que votre association nationale pourrait ou devrait faire dans le contexte actuel.
La CBC et les vétérinaires cités ont soulevé les questions de la priorité accordée au profit au détriment de la compassion, du coût élevé des soins, des objectifs de rendement imposés aux employés, de la vente incitative et de la réduction de la concurrence par la consolidation des services. À ces sujets, j’ajouterai l’incapacité des vétérinaires à rivaliser avec les sociétés d’investissement pour l’achat d’une pratique vétérinaire.
PROFIT VERSUS COMPASSION
J’ai travaillé en médecine vétérinaire pendant plus de 40 ans, et il est très clair dans mon esprit que la grande majorité des vétérinaires privilégient la compassion plutôt que le profit. Oui, il faut payer les factures, gagner son salaire, garder la clinique ouverte et moderniser l’équipement, mais le vétérinaire moyen place toujours la santé du patient au sommet de ses priorités.
L’ACMV devrait-elle s’adresser au public pour réitérer l’engagement des professionnels vétérinaires envers les animaux? Devrait-on expliquer pourquoi le coût des soins vétérinaires a augmenté? Devrait-on dévoiler les salaires moyens des médecins vétérinaires et des techniciens en santé animale, en espérant démontrer que nous accusons un retard par rapport à d’autres professionnels de la santé? L’ACMV devrait-elle expliquer que nous sommes tous en concurrence les uns avec les autres et que nous avons des structures tarifaires différentes? Devrait-on souligner que les vétérinaires n’ont pas nécessairement la possibilité de fixer ou de modifier les prix? L’ACMV doit-elle participer au débat autour de l’obligation pour les établissements vétérinaires de dévoiler l’identité de leur propriétaire? Devrait-on parler du lien entre les problèmes de santé mentale dans notre profession et les réalités économiques auxquelles nous sommes confrontés tous les jours?
OBJECTIFS DE RENDEMENT
J’ai des sentiments mitigés quant à cette critique relative aux regroupements. Le montant moyen dépensé par client, le nombre d’animaux examinés, le revenu brut généré et la quantité de produits vendus font partie de la boîte à outils des consultants en gestion et ont été utilisés par les propriétaires de cliniques bien avant que les sociétés d’investissement commencent à s’intéresser à la médecine vétérinaire. Cela dit, les objectifs de rendement doivent être raisonnables et atteignables, et ne pas inciter les professionnels à recommander des interventions ou des produits inutiles. J’ai de l’empathie pour les vétérinaires qui se font dire qu’ils doivent augmenter les revenus qu’ils génèrent pour justifier leur salaire, alors qu’ils pratiquent une médecine de qualité et qu’ils travaillent déjà aussi fort qu’ils s’en sentent capables. Les résultats des sondages économiques de l’ACMV peuvent donner un ordre de grandeur du revenu brut nécessaire pour soutenir un certain salaire, mais comme chaque pratique est unique, il ne s’agit malheureusement que de chiffres approximatifs. N’hésitez pas à me faire part de vos suggestions sur ce que l’ACMV pourrait faire à ce sujet.
VENTE INCITATIVE
Les discussions sur la nécessité des bilans sanguins de bien-être ou préanesthésiques pour les jeunes animaux, des tests de dépistage du ver du cœur pour les patients qui reçoivent un traitement préventif ou des analyses sanguines complètes au lieu de l’évaluation de paramètres ciblés ne sont pas nouvelles dans notre secteur d’activité. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la vente de services ou produits supplémentaires dans le seul but d’augmenter les revenus générés est moralement répréhensible. Mais je pense aussi qu’on peut s’entendre sur le fait que ce qui est perçu comme de la vente incitative par un vétérinaire peut être considéré comme une pratique exemplaire et justifiée par un autre vétérinaire. J’estime que l’ACMV pourrait avoir un rôle à jouer sur ce point.
Du côté du public, l’ACMV pourrait sensibiliser les propriétaires d’animaux en les invitant à poser des questions, à obtenir des devis et à recueillir toute l’information dont ils ont besoin pour prendre une décision éclairée. Elle pourrait leur dire que le fait de vouloir un deuxième avis ne devrait pas nuire à la relation vétérinaire-client-patient, et qu’ils peuvent parler de leur budget et demander qu’on leur recommande des options de traitement qu’ils ont les moyens de payer. Autrement dit, qu’ils contribuent au travail d’équipe pour veiller à la santé de leur animal.
Auprès de ses membres, l’ACMV pourrait promouvoir le concept du continuum des soins afin que cette approche devienne plus répandue et non pas seulement une réponse aux préoccupations financières des clients. Elle pourrait s’affairer auprès des organismes de réglementation pour s’assurer que leurs membres sachent que la norme n’est plus le meilleur traitement possible, mais bien le consentement éclairé du client. L’ACMV voudra peut-être aussi faire comprendre à ses membres que le continuum des soins ne s’applique pas seulement aux patients malades. Les clients ne peuvent accepter que ce que leur vétérinaire propose, et le fait de recommander un bilan sanguin préventif et un test de dépistage du ver du cœur en donnant notre opinion personnelle sur leur utilité ou leur pertinence s’inscrit également dans le cadre du continuum des soins. L’ACMV devrait-elle collaborer avec les associations provinciales de médecins vétérinaires pour veiller à ce que les politiques réglementaires tiennent compte de la montée des regroupements et à ce que les vétérinaires n’aient pas à compromettre leur intégrité pour répondre aux exigences de leurs employeurs?
COÛTS DE FINANCEMENT
L’incapacité d’un individu ou d’un petit groupe de vétérinaires à rivaliser avec un regroupement pour l’achat d’une clinique existante est une réalité regrettable. Les banques n’ont pas les mêmes règles que les sociétés d’investissement lorsqu’il s’agit de prêter de l’argent pour l’achat d’une entreprise professionnelle. L’ACMV peut intervenir auprès des banques pour tenter de rétablir une certaine équité, mais je ne suis pas certain qu’elle réussisse à faire bouger les choses. Devrait-on demander aux organismes de réglementation d’élaborer des politiques concernant la consolidation des services et la diminution de la concurrence avant qu’un gouvernement provincial ne décide de se pencher sur la question?
PRIX EXCESSIF DES SOINS
La hausse des prix a souvent été mentionnée comme une conséquence associée aux regroupements vétérinaires. Actuellement, l’ACMV ne dispose d’aucune donnée pour étayer cette affirmation, car les résultats des sondages économiques sont toujours anonymisés afin d’encourager les répondants à soumettre des données. J’ai effectué une recherche dans la littérature dans l’espoir de trouver de l’information provenant des États-Unis ou de l’Europe, où les regroupements existent depuis bien plus longtemps qu’au Canada, mais je n’ai rien trouvé d’autre que des preuves anecdotiques.
CONCLUSION
À mon avis, l’ACMV doit jouer un rôle important dans la réflexion sur la question complexe de la consolidation en médecine vétérinaire. Bien que cette dernière ait certains avantages, comme la mise en commun des ressources et l’amélioration des infrastructures, elle soulève également d’importantes questions sur l’éthique et le bien-être professionnel des vétérinaires. Par la défense des intérêts, l’élaboration de politiques et le soutien des vétérinaires, l’ACMV doit s’efforcer de faire en sorte que la profession reste axée sur le bien-être des animaux et que toutes les pratiques vétérinaires – qu’elles soient détenues par des regroupements ou non – respectent les normes les plus strictes en matière de soins prodigués avec compassion.
J’aimerais beaucoup recevoir vos commentaires et suggestions. Écrivez-moi à l’adresse cvmapresident@cvma-acmv.org.
– Tim Arthur