Lois concernant les chiens dangereux - Énoncé de position

février 25, 2022

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) appuie la législation sur les chiens dangereux si elle vise à favoriser la sécurité et la protection du public et des animaux domestiques, n’est pas discriminatoire envers une ou des races en particulier et si elle tient compte du bien-être de tous les animaux classés comme étant dangereux. L’ACMV encourage la participation active des professionnels vétérinaires et une approche communautaire pour la prévention des morsures de chien, englobant l’élevage, le dressage, la socialisation, la sélection et la possession d’animaux de façon responsable ainsi que l’éducation du public.

Sommaire

  • L’observation d’un comportement agressif chez un chien n’est pas en soi un motif suffisant pour déclarer que l’animal est dangereux.
  • La définition précise du terme « chien dangereux » utilisé dans la législation canadienne varie selon les provinces, les territoires et les municipalités.
  • L’ACMV estime que beaucoup d’incidents d’agression par des chiens et, par conséquent, de blessures par morsure de chien, pourraient être évités par des efforts accrus visant à éduquer  les communautés sur la prévention des morsures de chien, sur l’élevage, le dressage et la possession de chiens de façon responsable, et sur la nécessité de socialiser les chiens à un jeune âge.
  • Les médecins vétérinaires, y compris les médecins vétérinaires comportementalistes agréés par l’American College of Veterinary Behaviorists (ACVB), sont les seuls professionnels qualifiés pour reconnaître, diagnostiquer et traiter divers troubles comportementaux canins et les seules personnes capables de diagnostiquer une affection médicale, physique ou psychologique qui prédispose à l’agression. Ils doivent être impliqués dans l’évaluation d’un chien susceptible d’être déclaré dangereux.
  • L’ACMV encourage les provinces, les territoires et les municipalités à s’efforcer d’adopter une terminologie harmonisée et une réglementation et/ou législation uniforme en ce qui a trait aux chiens potentiellement dangereux qui comprend la consultation d’un médecin vétérinaire afin d’appuyer la santé et le bien-être du public ainsi que le bien-être des chiens.?

Contexte

  1. L’agression est un comportement normal exprimé par la plupart des espèces de vertébrés et de nombreux invertébrés. Ce comportement a évolué pour soutenir la capacité d’un animal individuel à survivre, à acquérir des ressources ou à se reproduire. Cependant, un comportement d’agression excessif ou inapproprié d’un animal envers un humain ou un autre animal domestique peut mettre en danger la santé individuelle, publique et communautaire.
  2. Le comportement d’agression des chiens envers d’autres animaux ou des humains peut se manifester par des morsures. Divers facteurs (1-4) peuvent contribuer à la probabilité et à la gravité des incidents de morsure de chien signalés, notamment :
  • des facteurs humains, comme l’âge des personnes (les jeunes enfants et les personnes âgées étant plus à risque de blessures graves), l’absence de surveillance des enfants et des chiens, le risque accru de morsure par un chien familier, le type d’interaction (par exemple, course ou poursuite), le manque de connaissances sur le comportement et la communication des chiens, et la maltraitance des chiens par les humains;
  • des facteurs propres au chien, comme sa taille, son tempérament, sa santé physique (présence de maladies ou affections douloureuses), son sexe et son statut reproducteur; son dressage et sa socialisation;
  • des facteurs environnementaux, comme le niveau d’application des règles concernant le contrôle des chiens, le lieu géographique, la densité de population, le niveau de signalement des morsures de chien, des facteurs culturels (par exemple, présence de chiens comme animaux vivants dans la communauté).
  1. L’agression canine pouvant mener à la morsure est un comportement complexe qui peut être considéré comme approprié ou inapproprié selon la situation. Un comportement d’agression approprié est un comportement normal d’agression en corrélation avec le degré de douleur, de danger ou de menace subie ou perçue par le chien. Les chiens qui montrent un comportement d’agression approprié présentent généralement une séquence comportementale complète ou une réponse structurée aux circonstances environnementales, qui se déroule dans l’ordre suivant (1,5) :
  • le chien présente des signaux initiaux indiquant un malaise, qui comprennent, sans s’y limiter, raidir la posture du corps, bâiller, cligner des yeux, lécher le nez, détourner la tête ou le corps, lever la patte, tourner les yeux de sorte qu’une plus grande partie de la sclérotique soit visible (partie blanche de l’œil);
  • le chien adopte des postures du corps entier plus évidentes, par exemple en se mettant la queue entre les pattes, en ayant une position voûtée, en s’éloignant de la menace, en se couchant avec les pattes vers le haut, en aplatissant les oreilles;
  • le chien donne des signaux d’avertissement de plus en plus clairs, comme regarder fixement, grogner, soulever les lèvres et/ou japper;
  • le chien fait une pause pour observer la réponse de l’autre individu;
  • le chien passe à l’acte : il claque les dents (avec ou sans morsure) s’il a interprété la situation ou la personne comme étant dangereuse; la morsure est aussitôt relâchée.

Si ces signaux d’avertissement sont présentés et que la menace perçue est supprimée, un chien ayant un comportement normal choisira de mettre fin à la séquence de l’agression après l’avertissement sans passer à l’acte (6).

  1. Les chiens qui montrent un comportement d’agression inapproprié présenteront une séquence comportementale modifiée (pas d’avertissement avant la morsure, pas de relâchement de la morsure, plusieurs morsures consécutives à la fois, avertissement suivi immédiatement d’une morsure sans pause entre les deux événements, etc.) (7). D’autres signes d’un comportement d’agression inapproprié sont :
  • un comportement d’agression qui ne peut pas être justifié ou expliqué compte tenu des circonstances (inapproprié pour le contexte, par exemple s’il n’est pas lié à une menace réelle, à un besoin de se défendre ou à la présence de douleur ou de danger pour l’animal);
  • la fréquence des événements d’agression est excessive pour le contexte;
  • la gravité de la morsure est excessive pour le contexte.
  1. La définition précise du terme « chien dangereux » utilisé dans la législation canadienne diffère selon les provinces, les territoires, les villes et les municipalités (8-13). Dans certaines juridictions, une législation distincte s’applique aux chiens de travail tels que ceux utilisés par la police ou l’armée. Les éléments fréquemment pris en compte pour déterminer qu’un animal est dangereux comprennent les suivants :
  • l’animal, sans provocation et d’une manière vicieuse ou menaçante, a poursuivi ou s’est approché d’une personne ou d’un animal domestique dans une attitude apparente d’attaque;
  • l’animal a une propension, une tendance ou une disposition connue à attaquer sans provocation, à causer des blessures ou à menacer d’une autre manière la sécurité des personnes ou des animaux domestiques;
  • l’animal, sans provocation, a mordu, blessé, agressé ou autrement attaqué une personne ou un animal domestique.

Dans certains cas, la gravité de la morsure est utilisée pour déterminer si un chien est considéré comme étant dangereux (8,14).

  1. Certaines municipalités ont adopté une législation visant à interdire certaines races ou certains types de chiens qu’elles considèrent comme présentant un risque plus élevé d’être dangereux. Cette forme de législation visant une ou des races en particulier varie considérablement selon la province et la municipalité, et il n’a pas été prouvé qu’elle réduisait la fréquence des morsures de chien dans les endroits où elle est appliquée (1,8,14,15).
  2. Des études ont démontré que les caractéristiques générales d’un chien, comme sa race, ne contribuent que faiblement au développement d’un comportement agressif (16,17).
  3. L’ACMV estime que beaucoup d’incidents d’agression par des chiens et les blessures par morsure qui y sont associées pourraient être évités par des efforts accrus visant à éduquer les communautés sur la prévention des morsures de chiens, sur l’élevage, le dressage et la possession de chiens de façon responsable, sur la socialisation appropriée des chiens en fonction de leur âge et sur le comportement canin (2,18).
  4. Le comportement d’agression lié à un trouble comportemental, médical ou physique pourrait être pris en charge par le traitement de la cause sous-jacente. Les médecins vétérinaires, y compris les médecins vétérinaires comportementalistes, sont les seuls professionnels qualifiés pour poser des diagnostics et ainsi faire la distinction entre les problèmes de comportement et les troubles médicaux ou physiques pouvant se manifester par l’agression, et donc pour déclarer un chien comme étant dangereux ou agressif. De plus, les médecins vétérinaires sont les seuls professionnels autorisés à prescrire les médicaments d’ordonnance souvent nécessaires dans le cadre d’un traitement multimodal réussi des animaux agressifs.
  5. Les médecins vétérinaires, y compris les médecins vétérinaires comportementalistes agréés par l’American College of Veterinary Behaviorists (ACVB), sont les seuls professionnels qualifiés pour reconnaître, diagnostiquer et traiter divers troubles comportementaux canins et les seules personnes capables de diagnostiquer une affection médicale, physique ou psychologique pouvant prédisposer au comportement d’agression. Ils doivent être impliqués dans l’évaluation d’un chien susceptible d’être déclaré dangereux.
  6. Un médecin vétérinaire devrait être impliqué dans l’évaluation des chiens potentiellement dangereux et dans la détermination des options appropriées telles que la référence à un médecin vétérinaire comportementaliste spécialisé, un bilan médical, un traitement médicamenteux, un entraînement de modification du comportement, ou l’euthanasie.
  7. Le personnel travaillant dans des refuges où un « chien dangereux » pourrait être confiné dans l’attente d’une évaluation et d’une décision judiciaire devrait être formé de manière appropriée pour assurer la sécurité de tous et le respect des normes de bien-être animal. Une évaluation vétérinaire de l’animal peut être nécessaire en fonction des conditions de garde et de la durée pendant laquelle le chien devra être confiné, car la peur et l’anxiété sur de longues périodes peuvent exacerber un comportement agressif.
  8. L’ACMV encourage les provinces, les territoires et les municipalités à s’efforcer d’adopter une réglementation/législation uniforme qui tient compte de la santé et du bien-être à la fois du public et du chien désigné comme dangereux, y compris la possibilité de réadaptation de chaque chien. Les décisions concernant les chiens confinés en attente d’évaluation devraient être prises sans délai pour atténuer les risques décrits ci-dessus.
  9. L’ACMV encourage les écoles de médecine vétérinaire à offrir une formation comportementale appropriée aux étudiants, étant donné l’importance des morsures de chien en tant que problème de santé publique.
  10. Les médecins vétérinaires devraient se familiariser avec les règlements en vigueur dans leur province et/ou municipalité concernant les chiens dangereux, suivre une formation sur l’évaluation et le traitement des chiens agressifs, et offrir leurs connaissances et leur expertise, le cas échéant, dans l’intérêt de la sécurité publique et du bien-être des animaux.?

Références

  1. American Veterinary Medical Association (AVMA). Literature Review on the Welfare Implications of the Role of Breed in Dog Bite Risk and Prevention (2014). Disponible au : https://www.avma.org/KB/Resources/LiteratureReviews/Documents/dog_bite_risk_and_prevention_bgnd.pdf, dernière consultation en mars 2021.
  2. AVMA (Task Force on Canine Aggression and Human-Canine Interactions). A community approach to dog bite prevention. JAVMA, 2001:218(11):1732-49. Disponible au : https://www.avma.org/sites/default/files/2020-03/dogbite.pdf, dernière consultation en mars 2021.
  3. Caffrey N, Rock M, et al. Insights about the Epidemiology of Dog Bites in a Canadian City Using a Dog Aggression Scale and Administrative Data. Animals (Basel) 2019;9(6):324. En ligne : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6617111/, dernière consultation en mars 2021.
  4. Newman, J. Human-directed dog aggression. A systematic review. Thesis submitted in accordance with the requirements of the University of Liverpool for the degree of Master of Philosophy (2012).  Disponible au : https://livrepository.liverpool.ac.uk/7753/1/NewmanJen_June2012_7753.pdf, dernière consultation en mars 2021.
  5. Mariti C, et al. Analysis of the intraspecific visual communication in the domestic dog (Canis familiaris): A pilot study on the case of calming signals. Journal of Veterinary Behavior 2017;18:49-55. Disponible au : https://doi.org/10.1016/j.jveb.2016.12.009, dernière consultation en mars 2021.
  6. Overall K. Manual of Clinical Behavioral Medicine for Dogs and Cats (2013). Mosby-Year Book Inc., Missouri, États-Unis.
  7. Mariti C, Falaschi C, Zilocchi M, Carlone B, Gazzano A. Analysis of calming signals in domestic dogs: Are they signals and are they calming? Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research 2014;9(6):e1-e2. Disponible au : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1558787814001348?via%3Dihub, dernière consultation en mars 2021.
  8. City of Toronto. Toronto Municipal Code. Chapter 349 (2020). Animals. Disponible au : https://www.toronto.ca/legdocs/municode/1184_349.pdf, dernière consultation en mars 2021.
  9. Government of Ontario, Ministry of the Attorney General. Information in the Dog Owner’s Liability Act and Public Safety Related to Dogs Statute Law Amendment Act, 2005. Disponible au : https://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/english/about/pubs/dola-pubsfty/dola-pubsfty.php, dernière consultation en mars 2021.
  10. Province of Alberta. Dangerous Dogs Act (2002). Disponible au : https://www.qp.alberta.ca/documents/Acts/D03.pdf, dernière consultation en mars 2021.
  11. Province of British Columbia. Local Government Act. Disponible au : https://www.bclaws.ca/civix/document/id/consol13/consol13/96323_22, dernière consultation en mars 2021.
  12. Government of Saskatchewan. Dangerous Animals. Disponible au : https://www.saskatchewan.ca/government/municipal-administration/tools-guides-and-resources/animal-control#dangerous-animals, dernière consultation en mars 2021.
  13. Province de Québec. Projet de loi no 128, Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens. Disponible au : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-128-41-1.html?appelant=MC, dernière consultation en mars 2021.
  14. City of Toronto. Dogs in the City. Disponible au : https://www.toronto.ca/community-people/animals-pets/pets-in-the-city/dogs-in-the-city/?accordion=dog-bites-what-to-do, dernière consultation en mars 2021.
  15. Clarke NM, Fraser D. Animal control measures and their relationship to the reported incidence of dog bites in urban Canadian municipalities. Can Vet J 2013;54(2):145-149. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3552590/, dernière consultation en mars 2021.
  16. Casey RA, Loftus B, Bolster C, et al. Inter-dog aggression in a UK owner survey: prevalence, co-occurrence in different contexts and risk factors . Veterinary Record 2013:172(5):127. Disponible au : https://bvajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1136/vr.100997, dernière consultation en mars 2021.
  17. Casey RA, et al. Human directed aggression in domestic dogs (Canis familiaris): Occurrence in different contexts and risk factors. Applied Animal Behaviour Science 2014;152:52-63. Disponible au : https://doi.org/10.1016/j.applanim.2013.12.003, dernière consultation en mars 2021.
  18. Meints K, et al. Teaching Children and Parents to Understand Dog Signaling. Front Vet Sci 2018. Disponible au : https://doi.org/10.3389/fvets.2018.00257, dernière consultation en mars 2021.

Additional Readings

  1. Shepherd K. BSAVA Manual of Canine and Feline Behaviour, 2nd Edition (Horwitz DF, Mills DS, éd.), 2009, 13-16.
  2. AVMA. Why Breed Specific Legislation Is not the Answer. Disponible au : https://www.avma.org/resources/pet-owners/why-breed-specific-legislation-not-answer, dernière consultation en mars 2021.
  3. City of Edmonton. Restricted Dogs. Disponible au : http://www.edmonton.ca/residential_neighbourhoods/pets_wildlife/restricted-dogs.aspx, dernière consultation en mars 2021.