Piégeage des animaux à fourrure

décembre 2, 2021

Position

L’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) estime que le piégeage des animaux à fourrure n’est acceptable que lorsque les méthodes et dispositifs les moins cruels disponibles sont utilisés. L’ACMV appuie les programmes de formation obligatoire des trappeurs qui font progresser les pratiques de piégeage sans cruauté. De plus, l’ACMV appuie fortement la mise au point, l’évaluation et l’amélioration continue des pièges et des collets afin d’assurer qu’ils soient les moins cruels possibles. L’ACMV préconise l’élaboration et la révision continuelles de normes de piégeage nationales et internationales qui protègent le bien-être animal, soutiennent la pérennité des espèces et limitent la capture d’espèces non ciblées.

Sommaire

  • Les dispositifs de piégeage utilisés pour les animaux à fourrure doivent être conçus pour entraîner une mort rapide ou permettre la capture d’un animal vivant en réduisant le plus possible la douleur, les blessures et la souffrance.
  • L’ACMV préconise l’amélioration continue de la conception et de l’utilisation des pièges de façon à provoquer rapidement la perte de conscience, à limiter la capture d’espèces non ciblées et à prévenir la souffrance des animaux capturés vivants. Il faut continuer de développer et d’utiliser de nouvelles technologies dans le but d’améliorer le bien-être des animaux piégés durant la période de retenue.
  • Les meilleures pratiques de piégeage doivent prévoir d’éviter une retenue prolongée susceptible de causer de la souffrance. Les animaux capturés vivants devraient être euthanasiés rapidement et sans cruauté lorsque c’est indiqué. Les pièges ou collets devraient être vérifiés au moins toutes les 24 heures, et de préférence de façon semi-continuelle, pour réduire la souffrance.
  • Les programmes de formation des trappeurs devraient décrire des pratiques non cruelles, notamment pour l’euthanasie rapide et sans cruauté. Des cours de mise à niveau devraient être conçus pour présenter les technologies émergentes et les méthodes améliorées. 
  • Les programmes de gestion et de conservation des animaux à fourrure doivent être durables.
  • L’ACMV appuie l’élaboration et la révision continuelle de normes de piégeage nationales et internationales qui protègent le bien-être animal.

Contexte

1. Au Canada, le piégeage est pratiqué pour diverses raisons, comme la recherche, les déplacements aux fins de conservation, la gestion des populations et le contrôle des maladies, et en tant que partie intégrante du mode de vie pour certains Canadiens. 

2.  La conservation et l’utilisation durable des animaux de la faune impliquent la nécessité de veiller au bien-être des animaux trappés au moyen de pièges à capture vivante ou de pièges mortels. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a exhorté ses pays membres à adopter des règlements décrivant des pratiques de piégeage sans cruauté particulière, afin de garantir que les techniques privilégiées soient celles qui sont les moins cruelles possibles lors de la capture et/ou de la mise à mort d’animaux de la faune (1).

Le Canada est signataire de l’Accord sur des normes internationales de piégeage sans cruauté (ANIPSC), dont l’objectif déclaré est « de garantir un niveau suffisant de bien-être des animaux pris dans des pièges, et de l’améliorer» (2). Le Programme canadien de certification des pièges garantit que les pièges certifiés sont conformes aux normes de l’ANIPSC (3), mais plusieurs lacunes demeurent (4,5).

a.  Plusieurs espèces couramment piégées au Canada, comme les renards, les mustélidés (vison, carcajou, belette, hermine), les mouffettes, les ours et les écureuils, sont exclues des normes ; il n’y a donc pas de pièges certifiés pour ces espèces. 

b.  Les collets sont aussi exclus des normes, et donc du Programme canadien de certification des pièges, alors qu’ils sont pourtant d’usage courant. Des solutions de rechange aux collets mortels manuels et à ressort devraient être envisagées pour les grands carnivores, car les animaux capturés de cette manière peuvent souffrir autant que ceux capturés dans les pièges à mâchoires d’acier interdits (6-8).

c.  Les évaluations du bien-être sur lesquelles repose actuellement la certification des pièges ne reflètent pas pleinement l’état de bien-être de l’animal. Par exemple, les critères comportementaux se limitent à l’automutilation, à l’immobilité excessive et à l’absence de réaction. Or, les signes de détresse varient selon les espèces et peuvent inclure la vocalisation, des changements de posture, des signes de soif ou de faim, des changements dans la vigilance et des efforts prolongés. Les indicateurs de bien-être devraient tenir compte de la biologie de l’espèce et doivent être évalués scientifiquement par des paramètres physiologiques et comportementaux, à la fois pendant et après la capture (4, 6, 8-11). Étant donné que certains de ces indicateurs n’ont pas été étudiés pour plusieurs espèces, de nouvelles études scientifiques sont nécessaires.

d.  Les critères de bien-être pour les pièges de retenue et les pièges mortels sont trop permissifs. Par exemple, l’objectif actuel pour la perte de conscience ou la mort provoquée par les pièges mortels pour la plupart des espèces est de moins de 5 minutes, mais de nouvelles technologies et de nouveaux matériaux permettraient de développer des pièges pour réduire ce délai à 60 secondes pour beaucoup d’espèces, ce qui aurait un effet positif important en matière de bien-être animal (5).

3. L’ACMV encourage fortement l’élaboration de normes fondées sur la science et soucieuses du bien-être animal pour tous les dispositifs de piégeage et toutes les espèces à fourrure. Un processus de certification doit être mis en place pour tous les dispositifs de piégeage et refléter une technologie de piégeage de pointe. Le perfectionnement continu de la conception des pièges dans le but d’améliorer le bien-être des animaux capturés vivants durant la période de retenue, d’entraîner rapidement une perte de conscience et la mort subséquente dans le cas des pièges mortels, et de maximiser l’efficacité du dispositif et la sélectivité pour les espèces ciblées devrait être l’objectif visé.

4.  Pour maximiser le bien-être animal, les pratiques de piégeage sont aussi importantes que les dispositifs utilisés.

a. Une retenue prolongée peut causer une grande souffrance, et entraîner la mort par blessure, épuisement, exposition aux éléments ou prédation. L’ACMV soutient que dans toutes les provinces et tous les territoires et pour tous les types de dispositifs, l’intervalle entre les inspections des pièges ne devrait pas dépasser 24 heures. De plus, l’ACMV considère qu’avec la technologie de surveillance actuellement disponible, une téléinspection semi-continue devrait être effectuée dans la mesure du possible pour réduire la souffrance et permettre de relâcher rapidement les espèces non ciblées

b. L’euthanasie des animaux capturés vivants devrait être effectuée sans délai lorsqu’elle est indiquée, au moyen d’une méthode sans cruauté établie. Il faut avoir accès à une méthode d’euthanasie pour tuer les animaux capturés par des pièges mortels qui n’auraient pas fonctionné comme prévu et n’auraient pas provoqué une mort rapide.

c. L’installation des pièges doit être faite de façon à prévenir autant que possible la capture d’espèces non ciblées, notamment d’animaux domestiques. Il est donc recommandé de choisir soigneusement l’emplacement des pièges, de prévoir une signalisation appropriée, d’indiquer les coordonnées du trappeur sur les pièges et de renseigner les propriétaires d’animaux de compagnie.

d. Les cours de formation des trappeurs devraient couvrir le traitement, la manipulation et la mise à mort sans cruauté des animaux capturés. L’importance de la surveillance des pièges à intervalles rapprochés, la reconnaissance de la douleur et de la détresse, la libération sécuritaire des espèces non ciblées et l’euthanasie sans cruauté sont des éléments qui doivent être abordés durant la formation.

e. Les trappeurs devraient continuellement intégrer les nouvelles technologies pertinentes dans leurs méthodes de piégeage afin d’améliorer le bien-être des espèces à fourrure capturées (2, 4, 6, 8, 10-13). L’utilisation de tranquillisants sur les pièges et le recours à des notifications électroniques afin de retirer plus rapidement les animaux des pièges en sont des exemples. 

5.  Les programmes de gestion et de conservation des animaux à fourrure doivent être fondés sur les trois principes de la durabilité (4,13) :

a. l’état de conservation de l’espèce doit être pris en compte et devrait être établi d’après un suivi scientifique et actif des populations ;  

b. les méthodes de piégeage et de gestion des animaux à fourrure doivent être non cruelles et socialement acceptables ;

c. la collecte de la fourrure chez l’espèce ciblée doit répondre à un objectif fonctionnel.

 

Références

  1. Methods for Capturing and/or Killing of Terrestrial or Semi-aquatic Wild Animals, 18e session, Assemblée générale de l’IUCN, Résolution 18.25. 1990. Disponible au :  http://www2.ecolex.org/server2neu.php/libcat/docs/LI/GA_18_REC_025_Methods_for_Capturing_and_or_Killing.pdf 
  2. Accord sur des normes internationales de piégeage sans cruauté entre la Communauté européenne, le Canada et la Fédération de Russie. Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Ottawa, Ontario, Canada. 1997. 31 pages. Disponible au : https://fur.ca/wp-content/uploads/2015/10/AIHTS_Agreement_FR.pdf 
  3. Institut de la fourrure du Canada. Pièges certifiés – Mise en œuvre de l’ANIPSC au Canada. Mise à jour du 1er février 2021. Disponible au : https://fur.ca/wp-content/uploads/2021/02/CertifiedTrapsList_FIC_Feb-1-2021_ENG_FINAL.pdf 
  4. Harrop SR. The agreements on international humane trapping standards: background, critique and the texts. Journal of International Wildlife Law & Policy 1998;1:387-394. Disponible au : https://www.researchgate.net/publication/248946419_The_Agreements_on_International_Humane_Trapping_Standards_background_critique_and_the_texts 
  5. Proulx G, Cattet M, Serfass TL, Baker S. Updating the AIHTS trapping standards to improve animal welfare and capture efficiency and selectivity. Animals 2020;10(8). Disponible au : https://www.researchgate.net/publication/343190673_Updating_the_AIHTS_Trapping_Standards_to_Improve_Animal_Welfare_and_Capture_Efficiency_and_Selectivity 
  6. Proulx G, Cattet MRL, Powell RA. Humane and efficient capture and handling methods for carnivores. Boitani L, Powell RA (éd.). Carnivore ecology and conservation: A handbook of techniques. Londres, Angleterre, Oxford University Press, 2012, pages 70-129. Disponible au : https://www.researchgate.net/publication/248706927_Humane_and_efficient_capture_and_handling_methods_for_carnivores
  7. Proulx G, Rodtka D, Barrett MW, Cattet M, Dekker D, Moffatt E, Powell RA. Humaneness and selectivity of killing neck snares used to capture canids in Canada: A review. Canadian Wildlife Biology & Management 2015;4:55-65. Disponible au : https://alphawildlife.ca/wp-content/uploads/2015/03/127-2015-1-Proulx_FINAL-Kiling-Neck-Snares.pdf
  8. Proulx G, Rodtka D. Steel-Jawed Leghold Traps and Killing Neck Snares: Similar Injuries Command Change to Agreement on International Humane Trapping Standards. J Appl Anim Welf Sci 2017;20:198-203. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28375756
  9. Institut de la fourrure du Canada. Meilleures pratiques de piégeage. Mise à jour de juillet 2018. Disponible au : https://fur.ca/wp-content/uploads/2015/10/meilleures_pratiques-Juillet-2018.pdf 
  10. Powell RA, Proulx G. Trapping and marking terrestrial mammals for research: integrating ethics, performance criteria, techniques, and common sense. ILAR Journal 2003;44:259-76. Disponible au : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/13130157 
  11. Iossa GC, Soulsbury D, Harris S. Mammal trapping: a review of animal welfare standards of killing and restraining traps. Animal Welfare 2007;16:335-352. Disponible au : https://doi.org/10.1017/S0962728600027159
  12. Hadidian J, Griffin J, Pauli D. Are Humane Traps “Humane”? An Animal Welfare Perspective. Conner LM, Smith MD (éd.). Proceedings of the 16th Wildlife Damage Management Conference 2016:19-20. Disponible au : http://wildlife.org/wp-content/uploads/2015/10/16th-Proceedings-Wildlife-Damage-Management_FINAL_revised-9_05_16.pdf
  13. White HB, Decker T, O’Brien MJ, Organ JF, Roberts NM. Trapping and furbearer management in North American wildlife conservation. International Journal of Environmental Studies 2015;72:756-69. Disponible au : https://doi.org/10.1080/00207233.2015.1019297